Skip to main content

Procédure de licenciement économique : attention à la rédaction des offres de reclassement !

La procédure de licenciement pour motif économique est décidément semée d’embûches. Qu’il s’agisse des conditions de remise du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), de l’exposé des motifs économiques ou des conditions de validité des offres de reclassement, gare à l’approximation.

Dans un arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation rappelle l’importance pour l’employeur de respecter scrupuleusement les exigences légales liées aux offres de reclassement soumises à un salarié dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique (Cass. soc. 23 octobre 2024, n° 23-19629).

On sait que l’obligation de reclassement constitue l’un des fondements de la validité du licenciement pour motif économique. L’employeur doit ainsi, avant de procéder au licenciement, rechercher si le reclassement du salarié, dans l’entreprise et à défaut dans le groupe, est envisageable. Lorsqu’il identifie des postes de reclassement, il doit proposer au salarié les postes en question.

A défaut, le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, y compris lorsque l’employeur démontre la réalité du motif économique et la suppression effective du poste.

Selon la loi, les offres de reclassement doivent être « précises » et « écrites » et doivent contenir les informations suivantes :

  • L’intitulé du poste et son descriptif
  • Le nom de l’employeur
  • La nature du contrat de travail
  • La localisation du poste
  • Le niveau de rémunération
  • La classification du poste

Quelle est la sanction lorsque l’une de ces mentions fait défaut dans une offre de reclassement ? S’agit-il d’une simple irrégularité ou d’un manquement substantiel entraînant la violation de l’obligation de reclassement tout entière et donc l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ?

Dans cette affaire, un employeur avait transmis à une salariée une offre de reclassement rédigée en ces termes : « Un poste de magasinière à Onet le Château (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération ».

La salariée avait refusé cette offre et avait quitté l’entreprise dans le cadre d’un CSP. Elle a ensuite contesté son licenciement, notamment en se fondant sur le fait que l’offre de reclassement était insuffisamment précise. Selon elle, cette offre n’indiquait pas la classification du poste et la mention « au même niveau de rémunération » était insuffisante.

De prime abord, l’essentiel des caractéristiques de l’offre de reclassement semblait respecté. C’est ce que soutenait l’employeur arguant du fait qu’étaient indiqués l’intitulé du poste, la rémunération et le lieu de travail et que pour le reste, la salariée aurait pu demander des précisions si elle était intéressée par ce poste.

En particulier, l’employeur soutenait que le terme « au même niveau de rémunération » était suffisamment explicite et que l’absence des autres caractéristiques du poste n’avait pas été déterminante dans la décision de la salariée et n’était susceptible de constituer qu’une simple irrégularité, insuffisante à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.  

Ces arguments avaient convaincu la formation de départage du conseil de prud’hommes mais n’ont pas été retenus par la Cour d’appel. La Cour a considéré que l’offre ne comportait ni le nom de l’employeur, ni son adresse, ni la classification du poste, ni la nature du contrat et que cette offre était donc imprécise. Dès lors, selon la Cour d’appel, l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La salariée, qui bénéficiait d’une ancienneté de 33 ans, a ainsi obtenu le montant maximal prévu par le barème légal d’indemnisation, soit 20 mois de salaires.

Il est à noter que, dans cette affaire, les juges avaient jugé que les difficultés économiques et la nécessité d’une réorganisation de l’entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité étaient démontrées.

La Cour de cassation a approuvé le raisonnement de la Cour d’appel en ce qu’elle a considéré l’offre de reclassement imprécise et a rejeté le pourvoi de l’employeur (Cass. soc. 23 octobre 2024, n° 23-19629).

La sévérité de cette jurisprudence appelle donc les employeurs à la plus grande vigilance lors de la rédaction des offres de reclassement.

Toute imprécision – telle que l’absence du nom de l’entreprise ou de la classification – peut conduire à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Clef USB du salarié non-connectée à l’ordinateur professionnel : moyen de preuve illicite mais recevable en justice

La Cour de cassation vient de donner une nouvelle illustration d’un moyen de preuve illicite qui, sous certaines conditions, est recevable en justice (Cass. soc. 25 septembre 2024, n° 23-13992).

Rappelons qu’il est désormais bien établi que les fichiers détenus sur l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur sont présumés avoir un caractère professionnel. L’employeur peut donc y accéder et les consulter librement, même en dehors de la présence du salarié.

En revanche, lorsque les fichiers ont été expressément identifiés par le salarié comme étant « personnels » ou « privés », la présomption de caractère professionnel tombe. L’employeur ne peut les consulter qu’à la condition que le salarié soit présent ou après l’avoir appelé pour l’inviter à assister à la consultation des fichiers.

Par extension, le matériel connecté à l’ordinateur professionnel est en quelque sorte le prolongement de l’ordinateur et est présumé avoir un caractère professionnel.

C’est le cas des clefs USB. La jurisprudence considère que la clef USB, même si elle appartient au salarié, est présumée utilisée à des fins professionnelles dès lors qu’elle est connectée à un ordinateur professionnel. L’employeur peut donc librement consulter son contenu (Cass. soc. 12 février 2013, n° 11-28649).

A contrario, une clef USB qui n’est pas connectée à un ordinateur professionnel ne serait pas présumée avoir un caractère professionnel, même si la clef se trouve dans le bureau du salarié. Dès lors, l’employeur qui en consulte le contenu, sans avoir prévenu le salarié et hors sa présence, porte atteinte à la vie privée du salarié. Le moyen de preuve ainsi obtenu est illicite.

Mais l’employeur peut-il néanmoins s’en servir, par exemple à l’appui d’une sanction disciplinaire ? La réponse est oui, sous certaines conditions.

Dans une affaire, une salariée avait été licenciée pour faute grave pour avoir copié en masse, sur 5 clefs USB, un nombre considérable de fichiers appartenant à l’entreprise (50.000). Même s’il n’était pas clairement établi que les clefs étaient personnelles, dès lors qu’elles n’étaient pas connectées à son ordinateur professionnel lorsque l’employeur les a découvertes, elles n’étaient pas présumées utilisées à des fins professionnelles.

L’employeur avait néanmoins accédé au contenu des clefs USB de la salariée en faisant appel à un commissaire de justice (anciennement huissier de justice). Cet accès était intervenu hors la présence de la salariée, sans l’avoir invitée et, bien sûr, sans son consentement.

Ce moyen de preuve était donc illicite en ce qu’il constituait une atteinte à la vie privée de la salariée, comme l’a relevé la Cour de cassation.

Malgré cela, les juges ont admis que l’employeur pouvait utiliser le contenu des clefs USB comme preuve.

En effet, depuis l’arrêt d’Assemblée plénière du 22 décembre 2023, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le droit à la preuve (de l’employeur, dans notre exemple) peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits (le droit au respect de la vie privée du salarié, dans notre exemple) à la double condition que (1) cette production soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve et (2) que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Il s’agit donc de trouver un équilibre entre le respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve de l’employeur.

Dans cette affaire, l’employeur avait des raisons concrètes de consulter les fichiers présents sur les clefs USB. Non seulement, il avait évidemment intérêt à préserver le secret des affaires mais aussi, la salariée avait eu un comportement très suspect : elle avait été vue en train de travailler sur le poste informatique d’une collègue absente – et même de la dirigeante – et d’imprimer et de stocker de nombreux documents, auxquels elle n’était pas censée avoir accès du fait de ses fonctions.

De plus, l’accès aux fichiers était intervenu de façon mesurée et proportionnée. L’employeur avait fait appel à un commissaire de justice et s’était limité aux données professionnelles contenues sur les clefs USB. Les fichiers personnels de la salariée n’avaient été ni ouverts, ni produits en justice.

La double condition exigée par la jurisprudence – caractères indispensable et proportionné – était donc remplie. L’employeur pouvait donc utiliser comme preuve les fichiers obtenus pour prouver la faute grave commise par la salariée.

Pour davantage de développements sur l’évolution de la jurisprudence en matière de preuves déloyales ou illicites devant les juges prud’homaux, nous vous invitons à lire notre actualité du 1er mars 2024.

Décret sur la contre-visite médicale : enfin un cadre clair

Historiquement, les modalités de la contre-visite étaient régies par la jurisprudence, faute de texte réglementaire spécifique. Un décret était annoncé dans la loi mais ce décret n’est jamais paru. C’est chose faite à présent avec le décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024, entré en vigueur le 7 juillet 2024, qui précise les règles et obligations de chacun lors d’un arrêt de travail et pour effectuer une contre-visite médicale.

L’objet de la contre-visite est de vérifier le bien-fondé de l’arrêt de travail pour maladie ou accident dont fait l’objet un salarié ainsi que sa présence à son domicile. Rappelons que c’est la loi qui pose le principe de la contre-visite, laquelle constitue la contrepartie de l’indemnisation accordée par l’employeur. Il en résulte que l’employeur n’est fondé à procéder à une contre-visite médicale que lorsqu’il verse une indemnisation complémentaire aux indemnités journalières de sécurité sociale, le plus souvent en application de la loi ou de la convention collective.

Le principal apport du décret est de lister les informations qui doivent être fournies par le salarié à l’employeur dès le début de son arrêt de travail ou à l’occasion de tout changement :

  • Son lieu de repos, s’il est différent de son domicile
  • Les horaires auxquels il sera disponible pour une contre-visite, si l’arrêt de travail porte la mention « sortie libre »

Rien n’est dit sur les modalités de transmission de ces informations par le salarié et les sanctions éventuellement applicables si celui-ci ne respecte pas ses obligations. En attendant une clarification, il est conseillé à l’employeur de rappeler ces nouvelles règles au salarié lorsqu’il reçoit un arrêt de travail.

La contre-visite est effectuée par un médecin librement mandaté par l’employeur. Il ne s’agit donc ni d’un médecin agréé, ni du médecin du travail, ni du médecin-conseil de la caisse de sécurité sociale.

Le décret donne également des indications précises sur l’organisation pratique de la contre-visite :

Le lieu de la contre-visite :

  • au domicile du salarié
  • ou, à défaut, au lieu de repos indiqué par le salarié
  • ou, au choix du médecin contrôleur, au cabinet de ce dernier : le salarié reçoit alors une convocation et doit se présenter à la date fixée. S’il ne peut se déplacer, il doit informer le médecin et expliquer la situation

Le moment de la contre-visite :

  • À tout moment, sans que le médecin contrôleur ait besoin de prévenir le salarié ou de respecter un quelconque délai de prévenance
  • En dehors des heures de sortie autorisées si le salarié est soumis à ces horaires (9h-11h et 14h-16h)
  • Pendant les horaires indiqués par le salarié, si l’arrêt de travail porte la mention « sortie libre »

Les suites de la contre-visite

  • Le médecin doit informer l’employeur du caractère justifié ou non de l’arrêt, ou s’il a été impossible de réaliser la contre-visite en raison de l’absence ou du refus du salarié
  • L’employeur doit, à son tour, communiquer sans délai cette information au salarié
  • Le médecin doit transmettre un rapport au service du contrôle médical de la caisse d’assurance maladie dans un délai de 48 heures (art. L. 315-1 du CSS).

Le décret ne mentionne pas les conséquences des résultats de la contre-visite à l’égard du salarié. Selon la jurisprudence, si le médecin mandaté par l’employeur considère que l’arrêt n’est pas justifié ou qu’une reprise est possible, l’employeur a le droit de suspendre les indemnités complémentaires aux IJSS, à partir du jour de la contre-visite. Il en est de même si le salarié refuse de se soumettre à une contre-visite ou est absent lors de la visite, sans motif légitime.

De son côté, le salarié a la possibilité – mais non l’obligation – de reprendre son travail à l’issue de la contre-visite.

Si le médecin considère que l’arrêt de travail est justifié, les indemnités complémentaires continueront d’être versées par l’employeur.

La jurisprudence a jugé depuis de nombreuses années que l’employeur ne pouvait tirer des conclusions de la contre-visite un motif de sanction disciplinaire ou de licenciement. Réciproquement, il est bon de rappeler que s’agissant d’un droit de l’employeur, le salarié ne devrait pas pouvoir en tirer un motif d’insatisfaction ou la preuve d’un quelconque acte de harcèlement à son égard.

Dépôt des candidatures aux élections professionnelles : l’heure, c’est l’heure !

Dans un arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation a confirmé que les modalités de scrutin fixées par un protocole d’accord préélectoral (PAP) régulièrement conclu et non contesté s’imposent à tous : employeur, organisations syndicales et tout candidat participant aux élections professionnelles (Cass. soc. 10 juillet 2024, n° 23-13551).

Le non-respect de ces modalités justifie le retrait d’office ou l’annulation en justice de la candidature, y compris lorsque les irrégularités constatées ne sont pas de nature à perturber le fonctionnement du scrutin.

En l’espèce, un PAP prévoyait que les candidatures pour le second tour des élections du Comité social et économique (CSE) devaient être déposées « au plus tard le mardi 22 novembre 2022 à 12h00 » et que les listes des candidats devaient distinguer titulaires et suppléants et préciser le collège concerné.

Une salariée avait déposé sa candidature le 22 novembre 2022 à 12h09, sans préciser s’il s’agissait d’une candidature titulaire ou suppléant, ni le collège concerné.

L’employeur, qui n’avait pas pris l’initiative d’écarter d’office cette candidature, avait sollicité son annulation en justice.

Le Tribunal judiciaire de Nîmes avait refusé d’annuler cette candidature aux motifs que les irrégularités de celle-ci n’avaient pas perturbé le déroulement du scrutin dès lors que :

  • le retard était très bref (9 minutes),
  • la salariée pouvait porter sa candidature comme titulaire et suppléante,
  • la salariée ne pouvait être éligible que dans le collège concerné par le vote.

La Cour de cassation casse le jugement rendu par le Tribunal judiciaire.

Elle rappelle que les modalités de scrutin qui ont été fixées par un PAP régulièrement conclu et non contesté s’imposent à tous.

Dès lors, les candidatures qui ne respectent pas les modalités négociées peuvent être écartées d’office par l’employeur (ou, le cas échéant, annulées par le juge), y compris lorsque les manquements constatés – tel qu’un retard de 9 minutes – ne sont pas de nature à perturber le fonctionnement du scrutin.

Il s’agit là d’une confirmation de la jurisprudence qui reconnaît à l’employeur la possibilité d’écarter une candidature tardive qui ne respecte pas les modalités de scrutin fixées par le PAP (Cass. soc. 28 mars 2012, n° 11-19657).

Il y a une vingtaine d’années, la Cour de cassation adoptait un raisonnement plus souple et considérait qu’un retard de 32 minutes n’était pas de nature à troubler le déroulement du scrutin et n’autorisait pas l’employeur à écarter la candidature (Cass. soc. 23 juin 2004, n° 02-60848). De même, un dépôt avec 11 minutes de retard n’était pas de nature à justifier l’annulation d’une candidature (Cass. soc. 10 juillet 1997, n° 96-60383).

A noter que pour que les modalités de scrutin soient opposables, le PAP doit bien entendu d’une part, avoir été conclu régulièrement, dans les conditions de l’article L. 2314-6 du Code du travail, c’est-à-dire à la condition de double majorité et d’autre part, ne pas avoir été contesté.

Congés payés : les nouvelles règles définitivement adoptées par le Parlement

Après avoir fait la une de l’actualité sociale pendant près de 7 mois à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre 2023, les modifications des règles relatives aux congés payés vont être très prochainement introduites dans le Code du travail.

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne (DDAUE) a, en effet, été adopté par le Sénat le 9 avril 2024 et par l’Assemblée Nationale le 10 avril 2024.

Ce texte prévoit l’acquisition de jours de congés pendant un arrêt de travail, que ce dernier soit d’origine professionnelle ou non-professionnelle, sans condition de durée de cet arrêt.

Il s’agit d’une mise en conformité avec le droit de l’Union Européenne qui prévoit ce droit pour les salariés depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui confère à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne un effet direct.

Cette tardive réforme du droit français a donc un effet rétroactif au 1er décembre 2009.

Afin de limiter les conséquences d’une telle réforme, le gouvernement français, suivant les pistes données à la fois par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) et par le Conseil d’Etat dans son avis publié le 13 mars 2024, a utilisé trois leviers :

1/     une acquisition de congés payés limitée à 2 jours ouvrables par mois pour les arrêts d’origine non-professionnelle

2/     l’instauration d’une période de report pour la prise des congés payés

3/     un délai de forclusion pour les actions en justice portant sur les rappels de droit à congés payés

Pour les arrêts de travail d’origine non-professionnelle, l’acquisition de congés payés est ainsi limitée à 2 jours ouvrables par mois, soit 24 jours ouvrables par an. Pour les arrêts de travail d’origine professionnelle, c’est en revanche le nombre de jours acquis pour un temps de travail effectif qui s’applique, soit 2,5 jours ouvrables par mois et 30 jours ouvrables par an.

Le texte prévoit ensuite la mise en place d’une période de report de 15 mois pour la prise des congés payés, pour les salariés qui ne sont pas en mesure de prendre leurs congés du fait de leur placement en arrêt de travail.

Le point de départ de cette période de report de 15 mois varie selon que le salarié reprend ou non le travail.

S’il reprend le travail après moins d’un an d’arrêt de travail, la période de report de 15 mois courra à compter de l’information du salarié par l’employeur sur le nombre de jours de congés dont il dispose et sur la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris (voirci-dessous).

Si le salarié est en arrêt de travail depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition, la période de report débutera à la fin de la période d’acquisition au titre de laquelle les congés payés ont été acquis.

Dans cette situation, deux hypothèses existent :

  • soit le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report et, dans ce cas, la période de report est suspendue jusqu’à l’information par l’employeur de ses droits à congés ;
  • soit le salarié ne reprend pas le travail avant la fin de la période de report et, dans ce cas, les droits à congés sont perdus.

Il est à noter que les accords d’entreprise et les conventions collectives de branche pourront prévoir une période de report supérieure à 15 mois.

Enfin, s’agissant des droits que pourraient réclamer rétroactivement les salariés, il convient de distinguer entre les salariés toujours en poste et les salariés dont le contrat de travail a été rompu.

Pour les salariés toujours en poste, ils ne peuvent réclamer que des droits à congés, c’est-à-dire des jours de congés payés puisque le droit à congés payés ne peut pas être remplacé par une indemnité financière, sauf en cas de rupture du contrat de travail.

Le projet de loi prévoit un délai de forclusion de deux ans qui courra à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, soit en principe le lendemain de sa publication au Journal officiel.

Pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu, la solution est plus simple puisqu’ils ne peuvent réclamer qu’une indemnité compensatrice de congés payés et devront, selon la loi, saisir le juge dans les trois ans à compter de la rupture de leur contrat de travail.

En application de l’article L. 3245-1 du Code du travail, leurs demandes ne pourront porter que sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture.

Au regard de ces nouvelles règles, trois points de vigilance pour les employeurs peuvent être identifiés :

  • veiller au suivi de la paie et notamment du décompte différencié des congés payés des salariés placés en arrêt de travail selon l’origine professionnelle ou non de cet arrêt ;
  • vérifier la durée de la période de report applicable dans l’entreprise, compte tenu de la possibilité de prévoir par accord d’entreprise ou convention de branche, une période supérieure à 15 mois ;
  • et surtout, s’assurer du respect de l’obligation d’informer le salarié à son retour d’arrêt de travail du nombre de jours de congés payés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris.

Sur ce dernier point, il est à noter une évolution louable du texte par la Commission mixte paritaire (CMP) réunie le 4 avril 2024 qui a fixé un délai d’un mois à compter de la reprise du travail par le salarié pour l’accomplissement de cette formalité d’information. Le délai initialement prévu par le projet de loi était de seulement 10 jours.

La CMP a également précisé que cette obligation, qui doit être réalisée par « tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information », pourrait notamment se faire au moyen du bulletin de paie. Dans ce cas, si le nombre de congés payés acquis figure habituellement sur le bulletin de paie, il conviendra de veiller à préciser également sur ce bulletin la date jusqu’à laquelle les congés payés pourront être pris.

L’entrée en vigueur du projet de loi définitivement adopté par le Parlement le 10 avril 2024 est désormais soumise à sa publication au Journal officiel, sous réserve d’une saisine du Conseil constitutionnel.

Compte tenu de la décision n° 2023-1079 QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 8 février 2024, il est, à notre avis, probable que le projet de loi « passe » sans grande difficulté le contrôle de constitutionnalité.

Affaire à suivre.

Les preuves déloyales et illicites désormais recevables devant les juges prud’homaux sous certaines conditions

Une preuve illicite est une preuve issue d’un dispositif illicite, c’est-à-dire lorsqu’elle est obtenue en violation d’une règle de droit (dispositif de vidéosurveillance mis en place sans information individuelle des salariés ou sans consultation des représentants du personnel).

Une preuve déloyale est une preuve obtenue par un stratagème (se faire passer pour un client par exemple), ou à l’insu de la personne (enregistrement audio clandestin).

Depuis un arrêt de principe du 7 janvier 2011, la Cour de cassation jugeait de façon constante qu’en matière civile, lorsqu’une preuve était obtenue de manière déloyale, elle était automatiquement irrecevable (Cass. ass. plén. 7 janvier 2011, n° 09-14316).

Il en était de même pour les preuves illicites qui devaient être rejetées des débats (Cass. soc. 8 octobre 2014, n° 13-14991).

Avant 2020, les preuves déloyales ou illicites étaient donc irrecevables, la Cour de cassation jugeant invariablement que « l’illicéité ou la déloyauté d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats ».

À partir de 2020, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence sur les preuves illicites, en se fondant sur le droit de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et notamment sur la notion de « droit à un procès équitable ».

La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats(Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19523). Il s’agissait, en l’espèce, d’une preuve qui ne respectait pas le droit à la protection des données personnelles.

En décembre 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré à son tour un revirement de jurisprudence en mettant fin à l’irrecevabilité de principe de la preuve déloyale.

Elle juge ainsi, tant pour les modes de preuve illicites que pour les modes de preuve déloyaux, que : « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats » (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023, n° 20-20648).

Depuis ces arrêts, le droit à la preuve permet d’admettre la recevabilité d’éléments illicites ou déloyaux qui portent atteinte à d’autres droits, à condition que leur production en justice soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La production doit être indispensable et pas seulement nécessaire. En d’autres termes, il faut que la preuve ne puisse pas être apportée par un autre moyen qui serait, lui, licite et loyal.

La Cour de cassation a donné récemment un exemple du caractère indispensable ou non du moyen de preuve illicite ou déloyal.

En l’espèce, pour apporter la preuve d’une situation de harcèlement moral, un enregistrement clandestin d’une réunion du CHSCT était produit aux débats. La Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir écarté ce mode de preuve déloyal, en retenant que d’autres éléments (rapport d’enquête du CHSCT en concertation avec le médecin du travail) laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral. Autrement dit, il n’était pas indispensable de produire un mode de preuve déloyal pour que le salarié victime puisse exercer son droit à la preuve (Cass. soc. 17 janvier 2024, n° 22-17474).

De même, l’atteinte à la vie privée du salarié doit être proportionnée au but légitime poursuivi.

A titre d’exemple, dans un récent arrêt rendu le 14 février 2024, la Cour de cassation a fait application de la nouvelle jurisprudence et a jugé qu’un système de vidéosurveillance illicite avait pu être utilisé pour identifier la salariée responsable d’une anomalie dans les stocks d’une pharmacie et fonder son licenciement pour faute grave.

Le système de vidéosurveillance était illicite car il n’avait pas été porté à la connaissance des salariés individuellement et n’avait pas fait l’objet d’une consultation des institutions représentatives du personnel.

La Cour de cassation a jugé que ce moyen de preuve illicite était recevable car 1/ la preuve du vol ne pouvait pas être apportée par un autre moyen, 2/ il répondait au but légitime de protection des biens de l’entreprise et 3/ l’atteinte aux droits de la salariée était proportionnée car le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps (uniquement sur les jours concernés par les écarts d’inventaire constatés) et réalisé par la seule dirigeante de l’entreprise (Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-23073).

La recevabilité des modes de preuve illicites et déloyaux est donc désormais admise. Elle est cependant soumise à de strictes conditions cumulatives appréciées souverainement par les juges du fond.

Clause de non-concurrence : perte définitive du droit à la contrepartie financière en cas de violation temporaire

La Cour de cassation vient de se prononcer sur le sort de la contrepartie financière lorsque le salarié a violé temporairement sa clause de non-concurrence (Cass. soc. 24 janvier 2024, n° 88-20.926).

Dans cette affaire, un salarié avait démissionné le 11 janvier 2018 et s’engageait dès le 5 février 2018 auprès d’une entreprise concurrente, afin d’exercer une nouvelle activité du 1er mars 2018 au 31 août 2018.

Ce salarié était soumis à une clause de non-concurrence d’une durée de 24 mois assortie d’une contrepartie financière et d’une clause pénale en cas de violation.

En juin 2018, à la découverte de l’action concurrente, l’employeur a mis fin au paiement de la contrepartie financière qu’il versait au salarié au titre de la clause de non-concurrence et a saisi la juridiction prud’homale à la suite du manquement aux obligations contractuelles du salarié, afin d’obtenir le paiement de diverses sommes dont la clause pénale.  De son côté, le salarié a sollicité le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

La Cour d’appel avait jugé que l’activité concurrentielle n’avait duré que 6 mois et qu’ainsi, l’employeur était redevable de la contrepartie financière pour les 18 mois restants (CA Douai 24 juin 2022, n° 20/01324).

La Cour de cassation a jugé au contraire que « la violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation ».

En d’autres termes, la violation, même temporaire, de la clause de non-concurrence prive le salarié de la contrepartie financière à partir du moment où la clause n’a plus été respectée. La violation de l’obligation de non-concurrence entraîne donc des conséquences qui sont définitives.

En revanche, la contrepartie financière reste due pendant la période où le salarié a respecté les obligations de la clause, à savoir la période comprise avant la violation de la clause. 

Élections du CSE : fin de la controverse pour les entreprises de moins de 20 salariés

Les bonnes résolutions de la rentrée, c’est pour tout le monde ! L’Administration met fin à son interprétation large de l’alinéa 5 de l’article L. 2314-5 du Code du travail concernant l’organisation des élections du CSE dans les entreprises de 11 à 20 salariés.

On rappelle qu’à la lecture du texte, l’absence de candidature dans les 30 jours suivant l’information des salariés a pour seul effet de dispenser l’employeur de négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales.

Cette position n’était pourtant pas celle de l’Administration dont le CERFA « PV de carence » mis à disposition des employeurs ainsi que le Questions/réponses dédié au CSE (Q/R n° 44) allaient plus loin encore en affirmant que dans cette situation, le processus électoral s’achevait et qu’aucune élection n’avait à être organisée.

Mais force est de constater que la donne a changé. Le ministère du travail aligne désormais sa position sur une lecture plus littérale du texte de l’article en mettant à disposition des employeurs un nouveau formulaire CERFA d’élections (renuméroté n° 15248*05) sur lequel il faut préciser les dates de chacun des deux tours lors desquels la carence a été constatée.

Cette position a le mérite de clarifier la situation, alors que la période de renouvellement des CSE mis en place à la suite des ordonnances de 2017 approche : même s’il n’y a pas de candidats dans les 30 jours, l’employeur a l’obligation d’organiser les élections. Aussi est-il seulement exempté de la négociation du protocole électoral avec les organisations syndicales.

Constat de l’inaptitude : pendant un arrêt de travail, c’est possible

Une précision intéressante sur le moment où l’inaptitude d’un salarié peut être prononcée par le médecin du travail.

On sait que, le plus souvent, l’inaptitude d’un salarié est constatée lors de la visite médicale de reprise qui intervient, comme son nom l’indique, après la fin de l’arrêt de travail.

Dans cette affaire, un salarié avait sollicité une visite médicale alors qu’il était encore en arrêt maladie. Une telle visite ne pose aucune difficulté puisque c’est un droit ouvert au salarié à tout moment, y compris bien entendu lorsque son contrat de travail est suspendu, ce qui lui permet d’anticiper éventuellement un risque d’inaptitude.

La particularité est que le médecin du travail a déclaré l’inaptitude du salarié immédiatement lors de cette visite, alors que le salarié était arrêté pour maladie et non à son retour, lors de la visite de reprise.

L’employeur, qui disposait d’un avis d’inaptitude, a licencié le salarié pour inaptitude pendant l’arrêt de travail de ce dernier.

Le salarié a alors contesté son licenciement. Selon lui, son inaptitude ne pouvait pas être constatée à l’occasion d’une visite médicale qu’il avait lui-même sollicitée, et non son employeur, et d’autant moins alors qu’il était en arrêt maladie.

La Cour de cassation a rejeté les arguments du salarié et a confirmé la position de la Cour d’appel, en jugeant valide le licenciement pour inaptitude prononcé par l’employeur (Cass. soc. 24 mai 2023, n° 22-10517).

Désormais, il est donc possible d’engager une procédure d’inaptitude et de prononcer un licenciement à l’égard d’un salarié, même si l’inaptitude a été constatée alors que le salarié est encore en arrêt de travail et même si la visite au cours de laquelle l’inaptitude a été prononcée a eu lieu à l’initiative et à la demande du salarié.

L’abandon de poste peut désormais conduire à une démission.

La nouvelle loi dite « marché du travail » du 21 décembre 2022 a introduit dans le Code du travail une présomption de démission en cas d’abandon de poste.

Cette présomption de démission vise à lutter contre la pratique de certains salariés qui, plutôt que d’assumer les conséquences financières d’une démission, choisissent d’abandonner volontairement leur poste de travail afin de contraindre leur employeur à procéder à leur licenciement et d’obtenir ainsi un droit à indemnisation par Pôle Emploi.

La loi du 21 décembre 2022 a ainsi créé un nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail qui déroge au principe essentiel selon lequel la démission doit être « claire et non-équivoque ».

Lorsqu’un salarié a volontairement abandonné son poste, l’employeur doit commencer par le mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de justifier son absence ou de reprendre son poste dans un certain délai. La loi prévoit également la possibilité d’une lettre remise en main propre contre décharge mais on ne voit guère comment l’employeur pourrait organiser cette remise avec un salarié qui, par hypothèse, a disparu.

Un projet de décret propose de fixer ce délai minimal à 15 jours.

A l’expiration de ce délai, si le salarié n’a pas justifié son absence ou n’a pas repris son poste, il sera présumé avoir démissionné. Son contrat de travail sera alors considéré rompu à la date d’expiration du délai laissé par l’employeur dans sa lettre de mise en demeure.

La présomption de démission ainsi instaurée est une présomption simple, de sorte que le salarié sera toujours libre de saisir le Conseil de prud’hommes pour remettre en cause la nature de la rupture de son contrat de travail. Sur le même modèle que la procédure de prise d’acte du contrat de travail par un salarié, l’affaire est alors portée directement devant le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes – sans audience de conciliation et d’orientation préalable – qui doit statuer dans le délai d’un mois.

La présomption de démission n’entrera en vigueur qu’après la publication de ce décret d’application prévue pour courant avril 2023.