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Congés payés : les nouvelles règles définitivement adoptées par le Parlement

Après avoir fait la une de l’actualité sociale pendant près de 7 mois à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre 2023, les modifications des règles relatives aux congés payés vont être très prochainement introduites dans le Code du travail.

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne (DDAUE) a, en effet, été adopté par le Sénat le 9 avril 2024 et par l’Assemblée Nationale le 10 avril 2024.

Ce texte prévoit l’acquisition de jours de congés pendant un arrêt de travail, que ce dernier soit d’origine professionnelle ou non-professionnelle, sans condition de durée de cet arrêt.

Il s’agit d’une mise en conformité avec le droit de l’Union Européenne qui prévoit ce droit pour les salariés depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui confère à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne un effet direct.

Cette tardive réforme du droit français a donc un effet rétroactif au 1er décembre 2009.

Afin de limiter les conséquences d’une telle réforme, le gouvernement français, suivant les pistes données à la fois par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) et par le Conseil d’Etat dans son avis publié le 13 mars 2024, a utilisé trois leviers :

1/     une acquisition de congés payés limitée à 2 jours ouvrables par mois pour les arrêts d’origine non-professionnelle

2/     l’instauration d’une période de report pour la prise des congés payés

3/     un délai de forclusion pour les actions en justice portant sur les rappels de droit à congés payés

Pour les arrêts de travail d’origine non-professionnelle, l’acquisition de congés payés est ainsi limitée à 2 jours ouvrables par mois, soit 24 jours ouvrables par an. Pour les arrêts de travail d’origine professionnelle, c’est en revanche le nombre de jours acquis pour un temps de travail effectif qui s’applique, soit 2,5 jours ouvrables par mois et 30 jours ouvrables par an.

Le texte prévoit ensuite la mise en place d’une période de report de 15 mois pour la prise des congés payés, pour les salariés qui ne sont pas en mesure de prendre leurs congés du fait de leur placement en arrêt de travail.

Le point de départ de cette période de report de 15 mois varie selon que le salarié reprend ou non le travail.

S’il reprend le travail après moins d’un an d’arrêt de travail, la période de report de 15 mois courra à compter de l’information du salarié par l’employeur sur le nombre de jours de congés dont il dispose et sur la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris (voirci-dessous).

Si le salarié est en arrêt de travail depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition, la période de report débutera à la fin de la période d’acquisition au titre de laquelle les congés payés ont été acquis.

Dans cette situation, deux hypothèses existent :

  • soit le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report et, dans ce cas, la période de report est suspendue jusqu’à l’information par l’employeur de ses droits à congés ;
  • soit le salarié ne reprend pas le travail avant la fin de la période de report et, dans ce cas, les droits à congés sont perdus.

Il est à noter que les accords d’entreprise et les conventions collectives de branche pourront prévoir une période de report supérieure à 15 mois.

Enfin, s’agissant des droits que pourraient réclamer rétroactivement les salariés, il convient de distinguer entre les salariés toujours en poste et les salariés dont le contrat de travail a été rompu.

Pour les salariés toujours en poste, ils ne peuvent réclamer que des droits à congés, c’est-à-dire des jours de congés payés puisque le droit à congés payés ne peut pas être remplacé par une indemnité financière, sauf en cas de rupture du contrat de travail.

Le projet de loi prévoit un délai de forclusion de deux ans qui courra à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, soit en principe le lendemain de sa publication au Journal officiel.

Pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu, la solution est plus simple puisqu’ils ne peuvent réclamer qu’une indemnité compensatrice de congés payés et devront, selon la loi, saisir le juge dans les trois ans à compter de la rupture de leur contrat de travail.

En application de l’article L. 3245-1 du Code du travail, leurs demandes ne pourront porter que sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture.

Au regard de ces nouvelles règles, trois points de vigilance pour les employeurs peuvent être identifiés :

  • veiller au suivi de la paie et notamment du décompte différencié des congés payés des salariés placés en arrêt de travail selon l’origine professionnelle ou non de cet arrêt ;
  • vérifier la durée de la période de report applicable dans l’entreprise, compte tenu de la possibilité de prévoir par accord d’entreprise ou convention de branche, une période supérieure à 15 mois ;
  • et surtout, s’assurer du respect de l’obligation d’informer le salarié à son retour d’arrêt de travail du nombre de jours de congés payés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris.

Sur ce dernier point, il est à noter une évolution louable du texte par la Commission mixte paritaire (CMP) réunie le 4 avril 2024 qui a fixé un délai d’un mois à compter de la reprise du travail par le salarié pour l’accomplissement de cette formalité d’information. Le délai initialement prévu par le projet de loi était de seulement 10 jours.

La CMP a également précisé que cette obligation, qui doit être réalisée par « tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information », pourrait notamment se faire au moyen du bulletin de paie. Dans ce cas, si le nombre de congés payés acquis figure habituellement sur le bulletin de paie, il conviendra de veiller à préciser également sur ce bulletin la date jusqu’à laquelle les congés payés pourront être pris.

L’entrée en vigueur du projet de loi définitivement adopté par le Parlement le 10 avril 2024 est désormais soumise à sa publication au Journal officiel, sous réserve d’une saisine du Conseil constitutionnel.

Compte tenu de la décision n° 2023-1079 QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 8 février 2024, il est, à notre avis, probable que le projet de loi « passe » sans grande difficulté le contrôle de constitutionnalité.

Affaire à suivre.

Les preuves déloyales et illicites désormais recevables devant les juges prud’homaux sous certaines conditions

Une preuve illicite est une preuve issue d’un dispositif illicite, c’est-à-dire lorsqu’elle est obtenue en violation d’une règle de droit (dispositif de vidéosurveillance mis en place sans information individuelle des salariés ou sans consultation des représentants du personnel).

Une preuve déloyale est une preuve obtenue par un stratagème (se faire passer pour un client par exemple), ou à l’insu de la personne (enregistrement audio clandestin).

Depuis un arrêt de principe du 7 janvier 2011, la Cour de cassation jugeait de façon constante qu’en matière civile, lorsqu’une preuve était obtenue de manière déloyale, elle était automatiquement irrecevable (Cass. ass. plén. 7 janvier 2011, n° 09-14316).

Il en était de même pour les preuves illicites qui devaient être rejetées des débats (Cass. soc. 8 octobre 2014, n° 13-14991).

Avant 2020, les preuves déloyales ou illicites étaient donc irrecevables, la Cour de cassation jugeant invariablement que « l’illicéité ou la déloyauté d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats ».

À partir de 2020, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence sur les preuves illicites, en se fondant sur le droit de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et notamment sur la notion de « droit à un procès équitable ».

La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats(Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19523). Il s’agissait, en l’espèce, d’une preuve qui ne respectait pas le droit à la protection des données personnelles.

En décembre 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré à son tour un revirement de jurisprudence en mettant fin à l’irrecevabilité de principe de la preuve déloyale.

Elle juge ainsi, tant pour les modes de preuve illicites que pour les modes de preuve déloyaux, que : « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats » (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023, n° 20-20648).

Depuis ces arrêts, le droit à la preuve permet d’admettre la recevabilité d’éléments illicites ou déloyaux qui portent atteinte à d’autres droits, à condition que leur production en justice soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La production doit être indispensable et pas seulement nécessaire. En d’autres termes, il faut que la preuve ne puisse pas être apportée par un autre moyen qui serait, lui, licite et loyal.

La Cour de cassation a donné récemment un exemple du caractère indispensable ou non du moyen de preuve illicite ou déloyal.

En l’espèce, pour apporter la preuve d’une situation de harcèlement moral, un enregistrement clandestin d’une réunion du CHSCT était produit aux débats. La Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir écarté ce mode de preuve déloyal, en retenant que d’autres éléments (rapport d’enquête du CHSCT en concertation avec le médecin du travail) laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral. Autrement dit, il n’était pas indispensable de produire un mode de preuve déloyal pour que le salarié victime puisse exercer son droit à la preuve (Cass. soc. 17 janvier 2024, n° 22-17474).

De même, l’atteinte à la vie privée du salarié doit être proportionnée au but légitime poursuivi.

A titre d’exemple, dans un récent arrêt rendu le 14 février 2024, la Cour de cassation a fait application de la nouvelle jurisprudence et a jugé qu’un système de vidéosurveillance illicite avait pu être utilisé pour identifier la salariée responsable d’une anomalie dans les stocks d’une pharmacie et fonder son licenciement pour faute grave.

Le système de vidéosurveillance était illicite car il n’avait pas été porté à la connaissance des salariés individuellement et n’avait pas fait l’objet d’une consultation des institutions représentatives du personnel.

La Cour de cassation a jugé que ce moyen de preuve illicite était recevable car 1/ la preuve du vol ne pouvait pas être apportée par un autre moyen, 2/ il répondait au but légitime de protection des biens de l’entreprise et 3/ l’atteinte aux droits de la salariée était proportionnée car le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps (uniquement sur les jours concernés par les écarts d’inventaire constatés) et réalisé par la seule dirigeante de l’entreprise (Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-23073).

La recevabilité des modes de preuve illicites et déloyaux est donc désormais admise. Elle est cependant soumise à de strictes conditions cumulatives appréciées souverainement par les juges du fond.

Clause de non-concurrence : perte définitive du droit à la contrepartie financière en cas de violation temporaire

La Cour de cassation vient de se prononcer sur le sort de la contrepartie financière lorsque le salarié a violé temporairement sa clause de non-concurrence (Cass. soc. 24 janvier 2024, n° 88-20.926).

Dans cette affaire, un salarié avait démissionné le 11 janvier 2018 et s’engageait dès le 5 février 2018 auprès d’une entreprise concurrente, afin d’exercer une nouvelle activité du 1er mars 2018 au 31 août 2018.

Ce salarié était soumis à une clause de non-concurrence d’une durée de 24 mois assortie d’une contrepartie financière et d’une clause pénale en cas de violation.

En juin 2018, à la découverte de l’action concurrente, l’employeur a mis fin au paiement de la contrepartie financière qu’il versait au salarié au titre de la clause de non-concurrence et a saisi la juridiction prud’homale à la suite du manquement aux obligations contractuelles du salarié, afin d’obtenir le paiement de diverses sommes dont la clause pénale.  De son côté, le salarié a sollicité le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

La Cour d’appel avait jugé que l’activité concurrentielle n’avait duré que 6 mois et qu’ainsi, l’employeur était redevable de la contrepartie financière pour les 18 mois restants (CA Douai 24 juin 2022, n° 20/01324).

La Cour de cassation a jugé au contraire que « la violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation ».

En d’autres termes, la violation, même temporaire, de la clause de non-concurrence prive le salarié de la contrepartie financière à partir du moment où la clause n’a plus été respectée. La violation de l’obligation de non-concurrence entraîne donc des conséquences qui sont définitives.

En revanche, la contrepartie financière reste due pendant la période où le salarié a respecté les obligations de la clause, à savoir la période comprise avant la violation de la clause. 

Élections du CSE : fin de la controverse pour les entreprises de moins de 20 salariés

Les bonnes résolutions de la rentrée, c’est pour tout le monde ! L’Administration met fin à son interprétation large de l’alinéa 5 de l’article L. 2314-5 du Code du travail concernant l’organisation des élections du CSE dans les entreprises de 11 à 20 salariés.

On rappelle qu’à la lecture du texte, l’absence de candidature dans les 30 jours suivant l’information des salariés a pour seul effet de dispenser l’employeur de négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales.

Cette position n’était pourtant pas celle de l’Administration dont le CERFA « PV de carence » mis à disposition des employeurs ainsi que le Questions/réponses dédié au CSE (Q/R n° 44) allaient plus loin encore en affirmant que dans cette situation, le processus électoral s’achevait et qu’aucune élection n’avait à être organisée.

Mais force est de constater que la donne a changé. Le ministère du travail aligne désormais sa position sur une lecture plus littérale du texte de l’article en mettant à disposition des employeurs un nouveau formulaire CERFA d’élections (renuméroté n° 15248*05) sur lequel il faut préciser les dates de chacun des deux tours lors desquels la carence a été constatée.

Cette position a le mérite de clarifier la situation, alors que la période de renouvellement des CSE mis en place à la suite des ordonnances de 2017 approche : même s’il n’y a pas de candidats dans les 30 jours, l’employeur a l’obligation d’organiser les élections. Aussi est-il seulement exempté de la négociation du protocole électoral avec les organisations syndicales.

Constat de l’inaptitude : pendant un arrêt de travail, c’est possible

Une précision intéressante sur le moment où l’inaptitude d’un salarié peut être prononcée par le médecin du travail.

On sait que, le plus souvent, l’inaptitude d’un salarié est constatée lors de la visite médicale de reprise qui intervient, comme son nom l’indique, après la fin de l’arrêt de travail.

Dans cette affaire, un salarié avait sollicité une visite médicale alors qu’il était encore en arrêt maladie. Une telle visite ne pose aucune difficulté puisque c’est un droit ouvert au salarié à tout moment, y compris bien entendu lorsque son contrat de travail est suspendu, ce qui lui permet d’anticiper éventuellement un risque d’inaptitude.

La particularité est que le médecin du travail a déclaré l’inaptitude du salarié immédiatement lors de cette visite, alors que le salarié était arrêté pour maladie et non à son retour, lors de la visite de reprise.

L’employeur, qui disposait d’un avis d’inaptitude, a licencié le salarié pour inaptitude pendant l’arrêt de travail de ce dernier.

Le salarié a alors contesté son licenciement. Selon lui, son inaptitude ne pouvait pas être constatée à l’occasion d’une visite médicale qu’il avait lui-même sollicitée, et non son employeur, et d’autant moins alors qu’il était en arrêt maladie.

La Cour de cassation a rejeté les arguments du salarié et a confirmé la position de la Cour d’appel, en jugeant valide le licenciement pour inaptitude prononcé par l’employeur (Cass. soc. 24 mai 2023, n° 22-10517).

Désormais, il est donc possible d’engager une procédure d’inaptitude et de prononcer un licenciement à l’égard d’un salarié, même si l’inaptitude a été constatée alors que le salarié est encore en arrêt de travail et même si la visite au cours de laquelle l’inaptitude a été prononcée a eu lieu à l’initiative et à la demande du salarié.

L’abandon de poste peut désormais conduire à une démission.

La nouvelle loi dite « marché du travail » du 21 décembre 2022 a introduit dans le Code du travail une présomption de démission en cas d’abandon de poste.

Cette présomption de démission vise à lutter contre la pratique de certains salariés qui, plutôt que d’assumer les conséquences financières d’une démission, choisissent d’abandonner volontairement leur poste de travail afin de contraindre leur employeur à procéder à leur licenciement et d’obtenir ainsi un droit à indemnisation par Pôle Emploi.

La loi du 21 décembre 2022 a ainsi créé un nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail qui déroge au principe essentiel selon lequel la démission doit être « claire et non-équivoque ».

Lorsqu’un salarié a volontairement abandonné son poste, l’employeur doit commencer par le mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de justifier son absence ou de reprendre son poste dans un certain délai. La loi prévoit également la possibilité d’une lettre remise en main propre contre décharge mais on ne voit guère comment l’employeur pourrait organiser cette remise avec un salarié qui, par hypothèse, a disparu.

Un projet de décret propose de fixer ce délai minimal à 15 jours.

A l’expiration de ce délai, si le salarié n’a pas justifié son absence ou n’a pas repris son poste, il sera présumé avoir démissionné. Son contrat de travail sera alors considéré rompu à la date d’expiration du délai laissé par l’employeur dans sa lettre de mise en demeure.

La présomption de démission ainsi instaurée est une présomption simple, de sorte que le salarié sera toujours libre de saisir le Conseil de prud’hommes pour remettre en cause la nature de la rupture de son contrat de travail. Sur le même modèle que la procédure de prise d’acte du contrat de travail par un salarié, l’affaire est alors portée directement devant le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes – sans audience de conciliation et d’orientation préalable – qui doit statuer dans le délai d’un mois.

La présomption de démission n’entrera en vigueur qu’après la publication de ce décret d’application prévue pour courant avril 2023.

Convention de forfait en jours privée d’effet : l’employeur peut réclamer le remboursement des JRTT

Dans un arrêt rendu le 6 janvier 2021, la Cour de cassation a jugé que dès lors qu’une convention de forfait-jours est jugée privée d’effet, l’employeur peut solliciter le remboursement des jours de réduction du temps de travail (JRTT) accordés dans le cadre de ce forfait (Cass. soc. 6 janvier 2021, n° 17-28234).

En l’espèce, les juges du fond ont déclaré privée d’effet la convention de forfait-jours d’un salarié au motif que son employeur n’avait pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif applicable. L’employeur sollicitait, à titre reconventionnel, le remboursement par le salarié des JRTT accordés en application de la convention de forfait-jours. La Cour d’appel a refusé de faire droit à cette demande de remboursement.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa de l’ancien article 1376 du Code civil (devenu l’article 1302-1) qui prévoit que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

La Haute juridiction juge ainsi que, dès lors que la convention de forfait-jours est privée d’effet, elle n’avait pas vocation à s’appliquer. Par conséquent, le paiement des JRTT prévus et accordés en exécution de la convention ne devait pas intervenir non plus. Ce paiement est donc indu et l’employeur peut en solliciter le remboursement par le salarié.

Dans le cas d’une remise en cause par un salarié de sa convention de forfait-jours (problématique rencontrée de plus en plus fréquemment par les juridictions prud’homales), l’employeur est donc en droit de former une demande reconventionnelle afin d’obtenir le remboursement des JRTT qu’il a payés.

Les salariés titulaires d’une délégation de pouvoir ou d’un pouvoir de représentation de l’employeur pourront voter aux élections professionnelles

Dans une décision QPC rendue le 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 2314-18 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, contraire à la Constitution.

Cet article, relatif aux élections professionnelles, disposait que « sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques. »

Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation jugeait de manière constante que doivent être exclus du corps électoral les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel (cf. notamment Cass. soc. 29 novembre 2017, n° 17-11671 ; Cass. soc. 12 avril 2018, n° 17-19822 ; Cass. soc. 16 décembre 2020, n° 19-20587).

Cette interprétation de l’article précité a été censurée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC du 19 novembre 2021, aux termes de laquelle il a jugé que :

« En privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs.

Par conséquent, l’article L. 2314-18 du code du travail doit être déclaré contraire à la Constitution ».

L’article L. 2314-18 du Code du travail a ainsi été déclaré contraire à la Constitution en raison de son interprétation restrictive par la Cour de cassation.

Le Conseil constitutionnel avait reporté l’abrogation de cet article au 31 octobre 2022, afin d’éviter les conséquences manifestement excessives d’une abrogation immédiate qui aurait eu pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles.

La loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dite « marché du travail », publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022, tire les conséquences de la décision QPC du 19 novembre 2021 et modifie l’article L. 2314-18 du Code du travail.

Ce dernier prévoit désormais que « Sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques ».

Cet article est applicable rétroactivement au 31 octobre 2022.

Les salariés détenteurs d’une délégation de pouvoir ou représentant l’employeur devant les institutions représentatives du personnel pourront donc être électeurs aux élections professionnelles, sous réserve, naturellement, de respecter les 3 autres conditions légales (être âgé de 16 ans révolus, travailler depuis au moins 3 mois dans l’entreprise et ne faire l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques).

Cette loi acte, en revanche, l’inéligibilité de ces salariés qui figureront désormais expressément à l’article L. 2314-19 du Code du travail qui liste les personnes ne pouvant être candidates aux élections professionnelles, confirmant ainsi une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation.

Les salariés assimilés à l’employeur pourront donc voter aux élections professionnelles mais pas se porter candidats.

Licenciement pour inaptitude : pas de consultation du CSE en cas de dispense de l’obligation de reclassement

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l’employeur est en principe tenu de rechercher un poste pour le reclasser, poste devant respecter un certain nombre de critères.

Il doit ensuite solliciter l’avis du Comité social et économique (CSE) avant de proposer ce poste au salarié.

Par exception, la loi prévoit que l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement lorsque l’avis du médecin du travail porte la mention expresse que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (Article L. 1226-2-1 pour les maladies « simples » ; Article L. 1226-12 pour les accidents du travail et maladies professionnelles).

Si l’employeur est ainsi dispensé de son obligation de rechercher un poste de reclassement, la question se posait de savoir s’il était également dispensé d’informer et de consulter le CSE.

Les juges du fond étaient divisés sur le sujet.

Certaines Cours d’appel ont pu considérer que, puisque l’employeur était dispensé de son obligation de reclassement et que, par conséquent, le salarié allait inévitablement être licencié pour inaptitude, la consultation du CSE était devenue « inutile », le CSE n’ayant aucun poste de reclassement sur lequel se prononcer et ne pouvant porter d’appréciation sur l’inaptitude déclarée par le médecin du travail (CA Riom 3 avril 2018, n° 16/01261 ; CA Paris 2 décembre 2020, n° 14/11428 ; CA Orléans 13 avril 2021, n° 18/03127 ; CA Limoges 8 mars 2021, n° 20/00162 ; CA Versailles 17 février 2022, n° 18/03695).

D’autres Cours d’appel ont, en revanche, jugé que l’information-consultation du CSE devait être maintenue, « fût-ce simplement pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail qui imposait de procéder au licenciement pour inaptitude du salarié » (CA Bourges 18 juin 2021, n° 20/00883). Une telle position était néanmoins critiquable dans la mesure où le texte de loi prévoit que l’employeur doit recueillir un « avis », qui suppose donc une consultation et non une simple information.

La Cour de cassation s’est enfin prononcée sur la question dans un arrêt du 8 juin 2022, adoptant, sans surprise, la première position précitée et jugeant que :

« lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel » (Cass. soc. 8 juin 2022, n° 20-22500).

La Haute juridiction a confirmé cette position rendue sous l’égide des délégués du personnel et son application au CSE dans un arrêt du 16 novembre 2022 (Cass. soc. 16 novembre 2022, n° 21-17255).

Ainsi, dès lors que le médecin du travail a mentionné dans l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » ou qu’il a coché la case prévue à cet effet, l’employeur n’a plus l’obligation de consulter le CSE.

Un autre sujet demeure néanmoins en suspens : celui du sort de la lettre par laquelle l’employeur doit informer le salarié des motifs qui s’opposent à son reclassement, préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement. Cette lettre a pour unique objet de « préparer » le salarié à son licenciement prochain.

Une telle obligation est-elle toujours utile lorsque l’avis d’inaptitude – dont un exemplaire est en principe remis au salarié – indique expressément que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » ?

Dans le doute, il nous semble préférable d’effectuer cette formalité en attendant une éventuelle clarification de la Cour de cassation.

Reclassement et modification de contrat pour motif économique : l’employeur doit proposer à nouveau au salarié le poste modifié qu’il a déjà refusé

La Cour de cassation vient confirmer sa jurisprudence sur ce point.

Bien que cela puisse sembler assez lourd dans la procédure, le salarié qui a refusé la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique doit se voir proposer à nouveau le poste déjà refusé dans le cadre de l’obligation de reclassement de l’employeur (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-14.998). Cette règle s’impose, en effet, à l’employeur qui envisage par la suite le licenciement pour motif économique de son salarié.

Pour des raisons différentes, cette solution peut heurter tant l’employeur (qui la juge inutile) que le salarié (qui peut avoir l’impression que l’employeur use de pressions à son égard, voire se moque de lui).

Elle peut s’expliquer cependant par le fait qu’il peut avoir changé d’avis. Il s’agit désormais d’une procédure de licenciement et non plus d’une simple proposition de modification de son contrat de travail. La rupture de son contrat étant possible, le salarié peut avoir changé d’avis.