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Convention de forfait en jours privée d’effet : l’employeur peut réclamer le remboursement des JRTT

Dans un arrêt rendu le 6 janvier 2021, la Cour de cassation a jugé que dès lors qu’une convention de forfait-jours est jugée privée d’effet, l’employeur peut solliciter le remboursement des jours de réduction du temps de travail (JRTT) accordés dans le cadre de ce forfait (Cass. soc. 6 janvier 2021, n° 17-28234).

En l’espèce, les juges du fond ont déclaré privée d’effet la convention de forfait-jours d’un salarié au motif que son employeur n’avait pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif applicable. L’employeur sollicitait, à titre reconventionnel, le remboursement par le salarié des JRTT accordés en application de la convention de forfait-jours. La Cour d’appel a refusé de faire droit à cette demande de remboursement.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa de l’ancien article 1376 du Code civil (devenu l’article 1302-1) qui prévoit que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

La Haute juridiction juge ainsi que, dès lors que la convention de forfait-jours est privée d’effet, elle n’avait pas vocation à s’appliquer. Par conséquent, le paiement des JRTT prévus et accordés en exécution de la convention ne devait pas intervenir non plus. Ce paiement est donc indu et l’employeur peut en solliciter le remboursement par le salarié.

Dans le cas d’une remise en cause par un salarié de sa convention de forfait-jours (problématique rencontrée de plus en plus fréquemment par les juridictions prud’homales), l’employeur est donc en droit de former une demande reconventionnelle afin d’obtenir le remboursement des JRTT qu’il a payés.

Les salariés titulaires d’une délégation de pouvoir ou d’un pouvoir de représentation de l’employeur pourront voter aux élections professionnelles

Dans une décision QPC rendue le 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 2314-18 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, contraire à la Constitution.

Cet article, relatif aux élections professionnelles, disposait que « sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques. »

Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation jugeait de manière constante que doivent être exclus du corps électoral les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel (cf. notamment Cass. soc. 29 novembre 2017, n° 17-11671 ; Cass. soc. 12 avril 2018, n° 17-19822 ; Cass. soc. 16 décembre 2020, n° 19-20587).

Cette interprétation de l’article précité a été censurée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC du 19 novembre 2021, aux termes de laquelle il a jugé que :

« En privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs.

Par conséquent, l’article L. 2314-18 du code du travail doit être déclaré contraire à la Constitution ».

L’article L. 2314-18 du Code du travail a ainsi été déclaré contraire à la Constitution en raison de son interprétation restrictive par la Cour de cassation.

Le Conseil constitutionnel avait reporté l’abrogation de cet article au 31 octobre 2022, afin d’éviter les conséquences manifestement excessives d’une abrogation immédiate qui aurait eu pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles.

La loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dite « marché du travail », publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022, tire les conséquences de la décision QPC du 19 novembre 2021 et modifie l’article L. 2314-18 du Code du travail.

Ce dernier prévoit désormais que « Sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques ».

Cet article est applicable rétroactivement au 31 octobre 2022.

Les salariés détenteurs d’une délégation de pouvoir ou représentant l’employeur devant les institutions représentatives du personnel pourront donc être électeurs aux élections professionnelles, sous réserve, naturellement, de respecter les 3 autres conditions légales (être âgé de 16 ans révolus, travailler depuis au moins 3 mois dans l’entreprise et ne faire l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques).

Cette loi acte, en revanche, l’inéligibilité de ces salariés qui figureront désormais expressément à l’article L. 2314-19 du Code du travail qui liste les personnes ne pouvant être candidates aux élections professionnelles, confirmant ainsi une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation.

Les salariés assimilés à l’employeur pourront donc voter aux élections professionnelles mais pas se porter candidats.

Licenciement pour inaptitude : pas de consultation du CSE en cas de dispense de l’obligation de reclassement

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l’employeur est en principe tenu de rechercher un poste pour le reclasser, poste devant respecter un certain nombre de critères.

Il doit ensuite solliciter l’avis du Comité social et économique (CSE) avant de proposer ce poste au salarié.

Par exception, la loi prévoit que l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement lorsque l’avis du médecin du travail porte la mention expresse que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (Article L. 1226-2-1 pour les maladies « simples » ; Article L. 1226-12 pour les accidents du travail et maladies professionnelles).

Si l’employeur est ainsi dispensé de son obligation de rechercher un poste de reclassement, la question se posait de savoir s’il était également dispensé d’informer et de consulter le CSE.

Les juges du fond étaient divisés sur le sujet.

Certaines Cours d’appel ont pu considérer que, puisque l’employeur était dispensé de son obligation de reclassement et que, par conséquent, le salarié allait inévitablement être licencié pour inaptitude, la consultation du CSE était devenue « inutile », le CSE n’ayant aucun poste de reclassement sur lequel se prononcer et ne pouvant porter d’appréciation sur l’inaptitude déclarée par le médecin du travail (CA Riom 3 avril 2018, n° 16/01261 ; CA Paris 2 décembre 2020, n° 14/11428 ; CA Orléans 13 avril 2021, n° 18/03127 ; CA Limoges 8 mars 2021, n° 20/00162 ; CA Versailles 17 février 2022, n° 18/03695).

D’autres Cours d’appel ont, en revanche, jugé que l’information-consultation du CSE devait être maintenue, « fût-ce simplement pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail qui imposait de procéder au licenciement pour inaptitude du salarié » (CA Bourges 18 juin 2021, n° 20/00883). Une telle position était néanmoins critiquable dans la mesure où le texte de loi prévoit que l’employeur doit recueillir un « avis », qui suppose donc une consultation et non une simple information.

La Cour de cassation s’est enfin prononcée sur la question dans un arrêt du 8 juin 2022, adoptant, sans surprise, la première position précitée et jugeant que :

« lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel » (Cass. soc. 8 juin 2022, n° 20-22500).

La Haute juridiction a confirmé cette position rendue sous l’égide des délégués du personnel et son application au CSE dans un arrêt du 16 novembre 2022 (Cass. soc. 16 novembre 2022, n° 21-17255).

Ainsi, dès lors que le médecin du travail a mentionné dans l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » ou qu’il a coché la case prévue à cet effet, l’employeur n’a plus l’obligation de consulter le CSE.

Un autre sujet demeure néanmoins en suspens : celui du sort de la lettre par laquelle l’employeur doit informer le salarié des motifs qui s’opposent à son reclassement, préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement. Cette lettre a pour unique objet de « préparer » le salarié à son licenciement prochain.

Une telle obligation est-elle toujours utile lorsque l’avis d’inaptitude – dont un exemplaire est en principe remis au salarié – indique expressément que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » ?

Dans le doute, il nous semble préférable d’effectuer cette formalité en attendant une éventuelle clarification de la Cour de cassation.

Reclassement et modification de contrat pour motif économique : l’employeur doit proposer à nouveau au salarié le poste modifié qu’il a déjà refusé

La Cour de cassation vient confirmer sa jurisprudence sur ce point.

Bien que cela puisse sembler assez lourd dans la procédure, le salarié qui a refusé la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique doit se voir proposer à nouveau le poste déjà refusé dans le cadre de l’obligation de reclassement de l’employeur (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-14.998). Cette règle s’impose, en effet, à l’employeur qui envisage par la suite le licenciement pour motif économique de son salarié.

Pour des raisons différentes, cette solution peut heurter tant l’employeur (qui la juge inutile) que le salarié (qui peut avoir l’impression que l’employeur use de pressions à son égard, voire se moque de lui).

Elle peut s’expliquer cependant par le fait qu’il peut avoir changé d’avis. Il s’agit désormais d’une procédure de licenciement et non plus d’une simple proposition de modification de son contrat de travail. La rupture de son contrat étant possible, le salarié peut avoir changé d’avis.

Licenciement pour motif économique : une même offre de reclassement doit être proposée aux salariés avec les mêmes aptitudes

Dans le cadre de son obligation de reclassement, le Code du travail exige de l’employeur qu’il propose au salarié tous les emplois disponibles susceptibles de correspondre à ses aptitudes et à ses compétences (article L. 1233-4 du Code du travail).

Ainsi, l’employeur peut être amené à proposer le même poste à plusieurs salariés. Dans cet arrêt, un salarié licencié reprochait à l’employeur de l’avoir mis en concurrence sur un même poste avec d’autres salariés licenciés et qu’à ce titre, il ne respectait pas son obligation de reclassement. Une analyse censurée par la Cour de cassation, l’employeur ne pouvant décider en amont de la proposition de reclassement, quel poste serait le plus susceptible de convenir à un salarié (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.250).

Pour mémoire, en cas de plusieurs intérêts pour un même poste, l’employeur doit départager les candidats sur la base de critères objectifs (ancienneté, diplômes, expériences, etc.).

L’action en paiement de la participation aux résultats de l’entreprise se prescrit par deux ans

La Cour de cassation a jugé que l’article L. 3245-1 du Code du travail, qui prévoit que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans, n’est pas applicable à l’action en paiement de la participation aux résultats de l’entreprise (Cass. soc. 23 mars 2022, n° 21-22455).

La Haute juridiction considère, en effet, que la créance de participation n’a pas une nature salariale.

Une telle action est donc soumise à la prescription biennale applicable aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail prévue par l’article L. 1471-1, alinéa 1er du Code du travail.

Le salarié qui entend solliciter le paiement de la participation aux résultats de l’entreprise doit donc saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai de 2 ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

A défaut, son action sera déclarée irrecevable.

L’utilisation de la vidéo-surveillance en tant que moyens de preuve

Les conditions dans lesquelles l’employeur peut utiliser la vidéo-surveillance en tant que moyen de preuve dès lors qu’elle sert également à surveiller les salariés sont les suivantes : il doit en informer ses salariés d’une part, et consulter le CSE d’autre part. À défaut, le moyen de preuve est illicite.

Toutefois, la Cour vient rappeler que l’illicéité d’un moyen de preuve, en raison de l’absence d’information des salariés ou de consultation du CSE, ne signifie pas nécessairement que cette preuve doive être écartée des débats par les juges. Ces derniers doivent vérifier le caractère équitable de la procédure et ainsi mettre en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et celui du droit à la preuve de l’employeur (Cass. soc. 10 novembre 2021, n° 20-12.263).

Dans cet arrêt, il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi de vérifier si les enregistrements de la vidéo-surveillance étaient indispensables à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur dans la justification du licenciement de son salarié.

Exemplaire du formulaire de rupture conventionnelle : à l’employeur de prouver qu’il l’a bien remis à son salarié

À l’occasion de la rupture conventionnelle d’un contrat de travail, chaque partie au contrat doit avoir en sa possession un exemplaire original du formulaire de rupture conventionnelle signé des deux parties (article L. 1237-14 du Code du travail).

Cette formalité est essentielle pour garantir le libre consentement du salarié et lui permettre, le cas échéant, d’exercer son droit de rétractation (15 jours calendaires à compter du lendemain de la signature). À défaut, la convention de rupture est nulle.

Dans un arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation vient apporter des précisions sur la charge de la preuve en la matière. En effet, elle précise qu’en cas de contestation, c’est à celui qui invoque la bonne remise d’un exemplaire du formulaire au salarié d’en rapporter la preuve. En d’autres termes, la charge de la preuve repose sur l’employeur (Cass. soc. 23 septembre 2020, n° 18-25.770).

Le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle ne prévoyant aucun mécanisme permettant d’assurer cette remise, il est vivement conseillé aux parties d’indiquer dans la case « Remarques éventuelles des parties » au verso du formulaire que le salarié atteste avoir reçu en main propre son exemplaire de rupture, accompagné de la date du jour et de sa signature.

Compte privé Facebook : la vie privée oui, mais le droit à la preuve aussi !

Dans un arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation vient reconnaître que la production en justice de documents émanant d’un compte privé Facebook constitue une atteinte à la vie privée du salarié… mais que cette production est recevable car justifiée par le droit à la preuve tel qu’il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12.058).

La Cour de cassation considère que les éléments produits par l’employeur, en l’espèce des captures d’écran sur le compte privé Facebook de la salariée dont il avait eu accès de manière licite grâce à une « amie » de l’intéressée sur le réseau, étaient indispensables à l’exercice de son droit à la preuve et proportionnels au but poursuivi, à savoir la défense de son intérêt légitime. 

Bien que constituant une atteinte caractérisée à la vie privée de la salariée, la recevabilité de ces éléments a semble-t-il ici été acceptée compte tenu du fait que l’employeur ne pouvait disposer d’aucun autre élément de preuve pour caractériser la faute de la salariée et assurer sa défense devant les tribunaux

La Cour de cassation valide le barème d’indemnités pour licenciement sans cause

Mesure phare des ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017, le barème prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit un plancher et un plafond d’indemnités en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, avec un maximum de 20 mois de salaires pour les salariés ayant au moins 30 ans d’ancienneté. Ce barème ne s’applique pas en cas de licenciement nul (violation du statut protecteur, harcèlement moral ou sexuel, etc.).

Par deux avis du 17 juillet 2019 rendus en formation plénière et destinés à une large publicité, la Cour de cassation a jugé que ce barème est conforme aux engagements internationaux pris par la France et qu’il permet une indemnisation adéquate au salarié ayant fait l’objet d’un licenciement abusif.

Ces avis devraient apporter une sécurité juridique aux employeurs et mettre fin à l’épisode judiciaire qui s’était développé depuis quelques mois. Plusieurs jugements prud’homaux avaient, en effet, décidé d’écarter l’application du barème estimant que la France violait ses engagements internationaux et que ce barème ne permettait pas d’indemniser intégralement le salarié de son préjudice, les montants maximums étant limités. D’autres conseils de prud’hommes avaient, au contraire, jugé le barème conforme aux textes internationaux.

Les Cours d’appels saisies sur la validité du barème devraient donc infirmer les décisions concluant à son invalidité. Des premiers délibérés sont attendus fin septembre 2019.